La parution d’un ouvrage édité par la Fondation Lazaar, réalisé par Elsa Despiney et Ridha Moumni, consacré aux artistes tunisiens, était un évènement à marquer d’une pierre blanche. On avait choisi, pour présenter «Artistes de Tunisie», le Dar Bengacem el Kahia, superbe demeure où le passé côtoie le présent en un subtil alliage de patrimoine aristocratique et de modernité inspirée.
Ce n’est pas un dictionnaire, non plus qu’une anthologie, pas plus qu’une bible, ou un glossaire. Mais c’est certainement quelque chose qui faisait défaut dans le paysage artistique tunisien. Car que manque-t-il à ce secteur, riche en histoire, foisonnant d’artistes, fécond en créativité, multiple en influences, solide en structures de formations, varié en lieux d’expositions, si ce n’est des outils de référence, des archives, une mémoire.
En l’absence d’un musée d’art qui en fixerait l’image passée et présente, seule une documentation sérieuse, analytique, pourrait en préserver l’intégrité. Or, mis à part quelques monographies éparses, généralement anciennes, qui, si ce n’est celles de Cérès, ne relèvent d’aucune logique de cohérence, le manque de publications est flagrant. Aussi, la parution d’un ouvrage édité par la Fondation Lazaar, réalisé par Elsa Despiney et Ridha Moumni, consacré aux artistes tunisiens, était un évènement à marquer d’une pierre blanche.
On avait choisi, pour présenter «Artistes de Tunisie», le Dar Bengacem el Kahia, superbe demeure où le passé côtoie le présent, en un subtil alliage de patrimoine aristocratique et de modernité inspirée. Autour d’une table, les auteurs, quelques artistes, les responsables de la Fondation, et… une multitude de questions soulevées par la parution de cet ouvrage. Des questions qui, hélas, sont toujours les mêmes, se heurtant aux mêmes absences de solutions : le désengagement de l’Etat, jadis premier mécène. La disparition de la notion de communauté artistique, au profit de la multiplication de syndicats, unions et autres fédérations. La dilution des lieux de débats et de convivialité que furent les cafés du centre-ville. Le problème des collections publiques qui meurent de ne pas être vues. Et le blocage du partenariat public-privé qui pourrait être la solution à une partie de ces problèmes, mais dont la dynamique semble s’être enrayée.
Mais on était surtout là, bien sûr, pour saluer la naissance d’«Artistes de Tunisie».
«Cet ouvrage cherche à s’annoncer comme… un hommage aux artistes. Une tentative de combler une carence dans la bibliothèque tunisienne, une proposition humaniste s’offrant à toutes les personnes, amateurs, critiques, chercheurs et professionnels de l’art qui ne cessent de s’interroger sur l’état de la scène artistique tunisienne, de ses acteurs, et surtout de sa diversité» annonce Lina Lazaar. Elle poursuit : «Artistes de Tunisie souhaite conjuguer les exceptions, encourager les respirations, loin de la pensée unique et de la conformité des représentations, laissant la place à la pluralité, à l’aléatoire, à l’angoisse et à la fragilité de s’exprimer, œuvrant à la construction d’une interprétation ouverte du monde, à maintenir un désir d’altérité, mais surtout à tisser le commun, et révéler le génie créateur humain».
214 artistes ont donc été référencés, sur une période historique allant de la fin du XIXe siècle à nos jours. 214 artistes qui ont contribué, par leur production, à l’histoire de l’art en Tunisie. Retrouver leur trace à travers les rares monographies, les catalogues d’expositions, les articles de journaux, a été un lent et long travail de recherche, d’interviews, de recoupements.
Les auteurs, Ridha Moumni et Elsa Despiney, brossent un rapide tableau des différents aspects des arts en Tunisie, de la peinture sous verre à la calligraphie, la photographie, l’art naïf ou le street art. Ils en évoquent également les strates, de la peinture post-coloniale à l’Ecole de Tunis, ou à l’art post-révolution.
Il en résulte un bel ouvrage, élégant, aéré, sobre, de belle lisibilité, qui fera certainement référence, et dont on nous promet déjà suite et complémentarité.